Montréal est une île exaltante et vibrante située sur le fleuve Saint-Laurent. La ville et la grande région métropolitaine comptent 4 millions d’habitants provenant de plus de 120 pays différents. Depuis sa fondation en 1642, Montréal est un heureux mélange de cultures et est au deuxième rang des plus grandes villes francophones au monde, après Paris.
Depuis la fin des années 1980, quelques organismes à travers la ville travaillent avec les gens qui consomment des drogues. Malgré plus de trois décennies à offrir des services ciblés, de nombreux besoins demeurent non comblés au sein de ces communautés hautement marginalisées, particulièrement l’accès à des services de santé adéquats.
Le Dr Jean Robert
Lorsque le Dr Jean Robert accueille un patient et l’accompagne dans son bureau pour un rendez-vous, il est difficile de dire qui est le plus heureux, lui ou le patient. Peu importe qui entre dans son bureau chaleureux, chacun prend des nouvelles de l’autre avant de se tourner vers le sujet du rendez-vous.
Lorsque le Dr Jean Robert écoute ses patients, il y met tout son cœur. Quand les gens entrent dans son bureau, ils savent qu’ils sont au centre de son attention, qu’ils seront écoutés sans jugement et, surtout, ils se sentent importants et valorisés.
C’est l’essence de la santé communautaire. Nous prenons soin d’un groupe de personnes atteintes d’hépatite C, de VIH, qui consomment des drogues, qui vivent dans la rue, mais chaque personne est différente. En fin de compte, on ne traite pas un groupe, mais une seule personne à la fois, parce qu’il s’agit de ses souffrances, ses analyses sanguines, ses tests d’urine, son bien-être et sa santé.
L’histoire de Robert
En 2001, après trois années passées dans la rue, Robert s’est retrouvé à Saint-Jérôme et a rencontré par hasard un travailleur de proximité du CSA qui lui a offert quelques pommes. Ce petit geste a été suffisant pour que Robert se sente valorisé. Peu après cet incident, une relation avec le Dr Jean Robert et d’autres membres du personnel du CSA s’est établie.
Ce qui m’a attiré au CSA, c’est que je ne m’y sentais pas du tout jugé. J’y ai reçu beaucoup d’amour. Je fais confiance au Dr Robert et à quelques autres personnes ici, mais c’est à peu près tout. J’ai toujours eu de la difficulté à créer de véritables liens avec les autres.
Robert savait qu’il avait contracté l’hépatite C, mais il évitait le traitement. Avec le soutien du Dr Jean Robert, Robert a entrepris deux cycles de traitement par interféron pour tenter de traiter son hépatite C. Malheureusement, les deux tentatives se sont avérées un échec et le processus a été extrêmement éprouvant pour son corps. Robert a presque abandonné tout espoir de guérir de son hépatite C. Cependant, en 2012, Robert a été l’un des premiers patients du CSA choisis pour essayer le médicament antiviral à action directe qui venait d’arriver sur le marché. Bien que le médicament offrait un taux de guérison de l’hépatite C de 95 %, Robert doutait tout de même que ça fonctionne pour lui.
Son traitement a exigé trois mois de médication quotidienne et de visites hebdomadaires à la clinique, mais Robert n’a ressenti pratiquement aucun effet secondaire. Après son traitement, il est allé chercher les résultats de ses analyses de suivi, qui ont confirmé qu’il avait éliminé l’hépatite C.
Au centre-ville avec Dopamine
Dopamine est un organisme communautaire qui, depuis 25 ans, a pour mandat de soutenir et d’accompagner les personnes qui consomment des drogues, leur entourage et les résidents du quartier Hochelaga à Montréal.
Dans les dernières années, Hochelaga a connu un embourgeoisement rapide, ce qui a réduit l’accès à plusieurs services et logements abordables pour les membres de la communauté marginalisés. Conscient de la situation des soins de santé qui se détériorait pour la communauté qu’elle dessert, le personnel de Dopamine s’est rendu au CSA pour découvrir son modèle de soins de santé axés sur le patient.
Au début 2019, Dopamine a lancé une petite clinique nommée Dopamed dans le sous-sol de son centre. S’appuyant sur la philosophie de l’organisme d’œuvrer au sein de la communauté, les pairs navigateurs Simon et Sophie ont été embauchés pour travailler de concert avec les médecins de la clinique. Cette combinaison de pairs travailleurs et de médecins s’est avérée très fructueuse et, après un an, la clinique a doublé ses heures d’ouverture hebdomadaires.
L’histoire de Simon
Simon a rencontré de nombreux défis dans sa vie et est bien conscient de la stigmatisation et des obstacles auxquels sont confrontées les personnes qui consomment des drogues, particulièrement lorsqu’elles essaient d’obtenir des soins de santé.
Embauché comme pair navigateur à la clinique de Dopamine, Simon tire profit de son expérience dans sa manière d’interagir avec les gens qui ont recours aux services de la clinique. Sa démarche est dynamique et son sourire bienveillant lorsqu’il entre dans la clinique, saluant les médecins et jasant avec les membres de la communauté.
Le personnel de Dopamine est très à l’affût des besoins de sa communauté locale. C’est en observant le besoin de meilleurs soins de santé qu’il a décidé de communiquer avec le CSA et d’apprendre de son modèle de soins de santé axés sur le patient. Bien que le CSA et Dopamine sont deux services distincts, leur modèle de collaboration visant à renforcer le travail de chacun est un exemple pour les fournisseurs de services de partout.
C’est frustrant, parce que je suis un être humain malgré les difficultés que j’ai vécues. Le stéréotype véhiculé est que cette personne est un déchet humain, qu’elle n’a rien fait de bon dans sa vie. Les gens portent rapidement ce genre de jugement. Ils se disent que c’est un toxicomane, qu’il ne vaut rien, qu’il ne respecte personne.
Le succès des divers modèles à Montréal
Pour Dopamine et le CSA, les aspects clés de leur modèle de soins liés à l’hépatite C sont les suivants :
- Prioriser les besoins de la communauté locale et sa réalité actuelle.
- Mettre l’accent sur des relations de confiance solides entre les professionnels de la santé et les patients.
- Voir les personnes dans leur intégralité et non pas seulement en fonction de leur affection médicale ou de leurs problèmes.
- Apporter les soins de santé directement aux gens, dans un espace sécuritaire.
- Trouver des manières créatives de surmonter les obstacles à l’accès aux soins de santé.
- Reconnaître les facteurs structurels nuisant à la santé que sont la criminalisation de la consommation de drogues et l’approvisionnement en drogues toxiques.
- Investir dans des relations et des alliances solides avec d’autres organismes.
- Inclure les personnes qui consomment des drogues dans toutes les étapes de l’élaboration et de la prestation des services.